Stop à la manipulation en période électorale

Celles et ceux qui s’intéressent comme moi à titre personnel et/ou professionnel aux techniques de manipulation, non pas pour les utiliser mais les observer afin de mieux s’en défendre, doivent se réjouir à l’approche des municipales de 2020 tant les exemples vont être riches et nombreux (note : ce texte a été écrit il y a un bon moment maintenant… Au jour où je le publie, les exemples commencent déjà à être riches et nombreux) ! 🙂

Alors que nous savons tous maintenant très bien que ces techniques existent et sont largement utilisées par les partis politiques notamment, que nous avons accès à une masse incroyable d’informations et de connaissances via le net à portée de quelques clics mais pas que (livres, reportages, magazines spécialisés, etc.), une grande partie d’entre nous tombe encore dans le panneau de la manipulation ! J’ai déjà expliqué certaines de ces raisons dans un précédent article sur les fake news et pourquoi nous sommes programmés à les croire… à moins de prendre un peu de recul, le temps de la réflexion (le “système 2” de Kahneman). Mais aussi de savoir maîtriser la recherche et l’analyse d’information, comme nous le proposons avec l’Intelligence Personnelle, afin de ne pas tomber dans ce qu’on appelle une “bulle de filtre“. Cette dernière vient par un biais de confirmation renforcer nos croyances. Elle se crée par une sélection des informations qui valident nos hypothèses d’origine donc, mais aussi par l’interaction avec une communauté fermée de personnes (ce que permettent les réseaux sociaux) qui, à l’instar des sectes, renforcent les individus dans leurs croyances à l’extrême et les empêchent d’être à l’écoute des propositions des autres.

Pour en revenir aux municipales de 2020, je reste convaincu que les gens sont intelligents et feront les bons choix pour peu qu’ils s’informent correctement. Un bon choix étant pour moi celui qui correspond à la fois à ses valeurs (donc comment on imagine la société) mais permet aussi de progresser dans l’intérêt général. Ainsi, voter par exemple pour quelqu’un qui est dans le rejet de l’autre parce qu’on est soi-même raciste n’est pas à mon sens un bon choix, même si cela peut correspondre à ses “valeurs” (le racisme n’en étant pas une), car nous ne sommes plus dans l’intérêt général : on sait tous où mènent le racisme et le besoin de se sentir supérieur aux autres, il suffit d’ouvrir un livre d’histoire… ou de regarder les actualités internationales (désolé de faire ce rappel) ! A l’inverse, voter uniquement pour un programme qui semble être dans l’intérêt du plus grand nombre alors que cela ne correspond pas du tout à ses valeurs n’est pas forcément non plus un bon choix car génère la frustration de ne pas être représenté politiquement (et la frustration mène à la haine)… ou encore tout simplement car cela n’est plus démocratique. Comme je le dis toujours, “on a les élus qu’on mérite” ! Mais le candidat est-il vraiment ce qu’il prétend être ou manipule-t-il les autres ?

Le problème vient surtout, et c’était le sujet de ce billet, d’être sûr que ce que nous “vend” un candidat est vraiment réalisable et sans “vices cachés”. Pour ça, le réflexe à avoir est 1) de se renseigner sur la personne et son équipe (en source ouverte bien entendu, ce qu’on appelle dans le métier l’OSINT ou ROSO en français), puis 2) sur la faisabilité de son programme.

1. Se renseigner sur le candidat et son équipe

1.1 Le candidat…

Il est dur de se décider pour qui on va voter, lorsqu’on ne connait pas les personnes, ne serait-ce que parce que le candidat n’est pas du tout connu dans sa commune. Mais il est tout aussi dur d’être certain que le choix que l’on fait est le bon sur la base de la connaissance superficielle que l’on peut avoir d’une personne (“il/elle est sympa“, “il/elle nous dit toujours bonjour dans la rue” (que cela soit sincère ou pas), “il/elle connait du monde” (note: quand c’est dans le domaine de la politique des partis, ce n’est pas toujours un bon signe !), “on le/la voit souvent sur les photos“, “il/elle est motivé/e, la dernière fois que je l’ai vu/e, il/elle m’a promis que le chemin privé devant chez moi serait réparé/que je pourrai construire sur mon terrain agricole/que mon fils sera employé à la mairie/que mon association aurait une grosse subvention/etc.“).

Ainsi, voici ce que je recommande, sur la base des techniques utilisées (veille & analyse) par les entreprises pour faire de bons choix, et que l’on peut tout à fait utiliser à titre personnel (volet 1 de l’Intelligence Personnelle).

Se renseigner sur la personne peut être de savoir si dans ses actes passés (surtout si elle fait de la politique de longue date, c’est encore plus facile à trouver via le web et les médias) il n’y aurait pas des signes de trahison ou de retournement de veste soudains. J’insiste sur le côté “soudain” car il est légitime de se rendre compte qu’on est dans l’erreur et donc de changer d’avis… mais lorsque cela arrive, cela prend souvent du temps et ne se produit pas du jour au lendemain. Par exemple un élu dont on sait qu’il devrait sa position à un autre élu influent ou via le soutien d’un Parti politique et qui, pour remercier d’avoir été “formé” et conseillé, déciderait quelques mois plus tard de changer de Parti ou de faire campagne pour son opposant ! Il y a (malheureusement) de nombreux exemples en politique de ce type (on l’a vu avec les dernières présidentielles). Quelqu’un qui fait ainsi preuve de manque de loyauté peut-il être de confiance ? Peut-on alors croire les engagements de son programme ? Renseignez-vous pour savoir si la personne a pu s’exprimer sur son geste et si ce qu’elle avance comme argument vous parait cohérent. Quand je parle de se renseigner, là est toute la question : si c’est demander aux gens “dans la rue” ou aux relations ce qu’elles en pensent, comme tout le monde a des opinions toutes faites, ce n’est pas l’idéal. Je parle plutôt ici de faire des recherches sur le web (même si tout n’y est pas), de lire des articles de différentes sources, le tout en prenant du recul et en se méfiant des commentaires tant élogieux que négatifs.

Une chose très simple à faire pour savoir si un candidat n’est pas tout à fait honnête est de taper dans votre moteur de recherche favori, par exemple Google, son nom entre guillemets, suivi de mots qui pourraient être gênants. Par exemple les requêtes suivantes (remplacer prénom et nom par le candidat de votre choix) :

  • “prénom nom” illégal
  • “prénom nom” affaire
  • “prénom nom” soupçons
  • “prénom nom” condamnation
  • “prénom nom” corruption
  • “prénom nom” pot de vin
  • etc.

Vous pouvez essayer aussi en mettant des majuscules ou pas au prénom et au nom (les guillemets font que cela compte) ou encore inverser prénom et nom. Cela ne fonctionne certes pas toujours, surtout car tout n’est pas sur le net, mais si la personne en question a vraiment fait quelque chose de malhonnête, au point qu’un article ait été écrit sur elle, vous devriez le ressortir en procédant comme ça.
Bien entendu, méfiez-vous des homonymes et recroisez les informations en tapant des combinaisons de nouveaux mots clés issus des lectures que vous aurez identifiés.

Toujours si la personne a déjà été élue, est-ce qu’elle a vraiment travaillé et porté des dossiers qu’elle a fait aboutir ou a-t-elle plutôt passé son temps à faire de la représentation en “serrant des mains” et “payant des cafés”, en venant juste “pour être sur la photo” et la relayer dans les réseaux sociaux, etc. (vous savez ce qu’on dit : les frites McC*** ce sont ceux qui en parlent le plus qui en mangent le moins 😉 )? Pour les députés et les sénateurs, c’est plus facile grâce à l’open data : nosdeputes.fr et nossenateurs.fr. Il suffit de cliquer sur le nom d’un parlementaire pour connaitre son activité. Je ne citerai pas de nom ici mais il est intéressant de voir que certains députés que l’on aperçoit souvent sur les plateaux télé peuvent aussi être ceux qui travaillent le moins. Disons qu’ils “travaillent” puisqu’on les voit, mais surtout pour eux, leur carrière et leur image, pas pour ce dont ils ont été élus.

Pour les élus communaux, c’est plus difficile (pas encore d’open data… ce qui est très dommage, cela permettrait de vite exclure certains candidats) mais il reste possible, même si c’est laborieux, de consulter les archives des conseils municipaux et ses comptes-rendus. Ceux-ci se trouvent généralement facilement sur les sites web des Mairies. Vous pourrez alors valider si des dossiers ont été soutenus par la personne.

Il est également intéressant de regarder, alors qu’une personne se dit en “opposition” avec l’équipe en place durant sa campagne car “ce n’est pas comme ça qu’il fallait faire les choses“, si ce qu’elle propose est en cohérence avec ses propos et si donc elle a bien voté contre les grands projets présentés. Par exemple, si elle vous dit qu’elle est opposée à une certaine urbanisation de sa commune, elle doit forcément avoir voté contre les modifications du Plan Local d’Urbanisme permettant cette urbanisation. Si ce n’est pas le cas, c’est un mauvais signe quant à l’honnêteté du candidat. Et s’il se justifie lorsque vous lui posez la question par des : “ça ne se fait pas de voter contre son équipe“, “ça ne sert à rien de voter contre puisqu’on est en minorité et que ça passera quand même“, etc., c’est encore pire car être élu c’est assumer ses choix et voter pour ce qui nous semble être juste. Dans le cas contraire, comment faire confiance pour la suite ?

Être élu, c’est aussi bien entendu être proche des gens puisqu’on se met au service des autres. C’est d’ailleurs pour ça que la fonction prend beaucoup de temps via la pose de rendez-vous, durant lesquels on prend non pas 3 minutes sur la “place du village” le jour du marché à discuter avec tout le monde en faisant des promesses mais au moins une demi-heure à une heure à se consacrer à l’administré, en lui expliquant ce qu’il est réellement possible de faire ou pas, sans le prendre pour un imbécile. C’est à dire sans vouloir forcément lui faire plaisir alors que la loi ne permet pas de faire certaines choses mais en l’informant justement, tout en faisant preuve de pédagogie. Ainsi, à moins d’avoir un clone, il n’est pas possible d’être à la fois en permanence en représentation dans tous les événements de sa commune et en même temps de travailler les dossiers pour lesquels on a été élu, même pour ceux qui envisagent la politique comme une carrière (ce que ce n’est évidemment pas) ! Être proche des gens, ce n’est pas être visible, c’est être disponible pour échanger quand le besoin se fait ressentir pour parler sereinement et sérieusement des problèmes, afin d’essayer de les résoudre. Et c’est aussi savoir dire non lorsque les choses ne sont pas réalisables. Un candidat qui se présenterait en “sauveur” de tout le monde, qui aurait la solution à tout, n’est pas un candidat honnête… Ou alors c’est qu’il n’est pas au courant de ce que permet de faire la loi et ce qu’elle ne permet pas. En effet, comme par hasard, il peut arriver que des candidats (souvent ceux d’opposition) aient des solutions faciles et évidentes à des problèmes qui n’ont pas pu être résolus légalement. Mais à la limite, croire qu’il existe des solutions car on manque d’expérience et de culture, c’est difficile à vendre si on brigue le poste de premier magistrat de la ville mais c’est pardonnable. Par contre, savoir que ce n’est pas possible et alors mentir sciemment aux gens, me semble beaucoup plus grave (certains diront que cela fait partie du monde politique… Je dirais que cela en faisait partie car plus personne, à part les personnes intéressées, ne veux ça). Et comment savoir si un candidat ment ? Cela dépend beaucoup des personnes et de leur profil. Par exemple, quelqu’un qui exercerait un métier proche de la loi, nécessitant l’application stricte de règlements, etc. ne peut raisonnablement pas ouvertement proposer dans son programme des choses illégales, d’autant plus si c’est dans son domaine d’activité !

Ceci dit, pour revenir au sujet de la présence aux manifestations : comme celle-ci est bien évidemment importante et fait partie de la mission de l’élu, comment faire ? La solution vient de savoir travailler en équipe, de se partager l’agenda et de faire en sorte qu’au moins une personne à tour de rôle puisse représenter la Mairie et fasse un retour aux autres élus des remarques qu’elle aurait pu avoir. Ainsi, est-ce que le candidat à une élection a su montrer par le passé une capacité à pouvoir travailler avec les autres ou s’est-il petit à petit isolé du groupe ? A-t-il en tant qu’élu mis en place des commissions, essayé de rassembler, de solliciter ses collègues d’autres délégations ou a-t-il voulu les “by-passer” en s’auto-attribuant des délégations qui ne lui avait pas été données ? Cela peut s’observer en consultant notamment l’historique des pages facebook des personnes, les promesses qu’elles ont pu vendre sur des sujets sans lien avec leurs attributions. Par exemple : un délégué à l’urbanisme qui irait prendre position sur le web avec sa casquette d’élu sur des sujets ayant trait au culturel ou encore un autre qui irait raconter qu’il a pu débloquer telle ou telle situation aux niveau des services techniques alors qu’il n’est pas délégué à ce service, etc.

Ce genre de situation peut arriver plus souvent qu’on ne l’imagine en fonction des individus. Il m’est arrivé plusieurs fois qu’un administré me raconte avoir apprécié que l’élu XYZ débloque sa situation alors que, pas de chance, c’était en fait suite à mon intervention. L’auto-attribution de choses que l’on a pas faites fait partie de l’arsenal des arnaqueurs de la politique (avec un petit “p”). Ceci dit, à part vous renseigner sur les délégations de ces personnes pour savoir si elles sont légitimes dans ce qu’elles vous promettent, je conçois qu’il soit difficile d’obtenir ce type d’information.

Il est donc important de valider si le candidat a été capable de travailler en bonne intelligence dans et avec son équipe (sans même parler des membres de l’opposition; c’est évidemment bien pire quand la personne a choisi volontairement d’intégrer l’équipe municipale majoritaire). Il est normal, c’est humain, de ne pas toujours s’entendre à 100% dans une équipe au sens large du terme, que ce soit dans son travail, une association ou une municipalité, etc. Et c’est tant mieux ! C’est justement ce qui fait la richesse du groupe, en évitant de prendre des décisions biaisées, en mettant en place des débats sur la contradiction afin d’être sûr de prendre des décisions dans l’intérêt général.

Ainsi, quelles que soient les affinités personnelles des uns ou des autres, est-ce que le candidat a montré une capacité à savoir travailler en groupe, d’être donc lui-même par la suite un leader (au sens leadership, c’est à dire montrer l’exemple et faire adhérer les autres) et de travailler avec les autres malgré les divergences ? Autrement dit, est-ce que les intérêts de la commune ont bien été au-dessus des intérêts de la personne ?

Lorsque dès le début d’un mandat par exemple, certains se détachent d’un groupe choisi par les électeurs (ce qui en soi est une trahison de l’électorat), ce n’est jamais bon signe sur la capacité de cette personne à pouvoir diriger une commune, en rassemblant les membres de son équipe, élément indispensable au bon fonctionnement et au respect de la démocratie. Dans un conseil municipal, il est nécessaire de travailler tous ensemble et non pas de se présenter pour des raisons d’égo. Le contraire ne peut pas marcher : comment être tourné vers les autres (le don de soi et de son temps pour aider sa commune) si à la base nos valeurs sont plutôt égocentriques ?!

Je ne dis pas qu’il ne peut pas y avoir de gros “clash” entre des personnes, il arrive à tout le monde de se tromper (les seuls qui ne se trompent pas sont ceux qui ne font rien… et même, en ne faisant rien, ils se trompent 😉 ). Mais à ce moment, il me parait sain et responsable de démissionner le plus tôt possible. Ainsi, si vous avez l’impression qu’un candidat qui se présente en tête de liste et qui était déjà élu de la majorité fait cavalier seul depuis des années, ce n’est vraiment pas un bon signe de sagesse/maturité et de responsabilité de ne pas avoir rapidement démissionné ou de ne pas s’être mis dans l’opposition, pour assumer ses idées. Vouloir à tout prix garder une place pour des raisons d’égo ou financières, ne pas assumer ce qu’on pense ou encore agir pour de mauvaises raisons (l’argent en est une, le gain de notoriété une autre, etc.), doit faire douter l’électeur quant à la confiance à accorder à cette personne et aux promesses qu’il pourra faire (et tenir).

Au delà de ses actions (ou inactions) en tant qu’élu, a-t-il dans sa vie privé eu un comportement qui laisserait douter de son honnêteté et donc annihilerait toute confiance ? Certes, on dit toujours que dans les campagnes électorales il ne faut pas aller sur le terrain du privé (et je suis évidemment d’accord) mais on vote tout de même pour une personne (et les membres de son équipe), qui en fonction de ses valeurs respectera la loi et les engagements qu’elle a pris auprès de ses électeurs… ou pas ! Par exemple, si un candidat alors qu’il est en position de bien connaitre la loi fait un faux ou avoue avoir triché pour en tirer un avantage (il y a de nombreux cas que l’on voit apparaître dans la presse de type Médiapart, Le Canard Enchaîné, etc.), va-t-il réussir à faire la différence lorsqu’il sera élu ? Etc. Attention, ceci est évidemment plus facile à savoir pour les grandes villes avec des candidats connus impliqués dans des “affaires”. Pour les villes plus petites, c’est plus compliqué car on empiète parfois sur le terrain de la rumeur, dont il faut évidemment se méfier (voir une nouvelle fois ce billet sur les fake news et comment s’en prémunir).

Autre point qui me parait important : est-ce que le candidat vient juste avant les élections d’adhérer à un Parti politique, pour des raisons donc électorales, ou l’est-il depuis longtemps et assume-t-il vraiment ses propos (et les assumera-t-il une fois élu, comme on l’a vu en 2014 avec des personnes élues grâce à leur affiliation pour en démissionner par la suite) ? A l’inverse, est-ce qu’un candidat qui se déclare apolitique (sans étiquette), car cela aide dans le discours dans les petites villes de dire “je rassemble tout le monde“, ne milite pas en fait pour un Parti depuis des années ? Si c’est le cas, cela est mauvais signe à au moins 3 niveaux : 1) soit il ment à ses électeurs en cachant ce qu’il pense et en appliquant par la suite une politique qui ne leur correspond pas (dans l’intérêt du Parti et non de la ville), 2) soit il trahit son Parti en refusant de les représenter (donc qui trahira-t-il par la suite ?), 3) soit encore il a tellement de casseroles derrière lui que même son Parti n’a pas accepté de lui donner l’investiture. Ou les trois 🙂

1.2 L’équipe du candidat

Au delà du candidat, c’est aussi l’équipe qu’il faut regarder car un Maire ne peut pas faire tout, tout seul.

Est-ce que les personnes vous semblent avoir “la tête sur les épaules” ? Sont-elles ouvertes au dialogue ou constamment dans l’attaque des autres (ce qui n’est pas très rassembleur) avec des informations qui sont vraies ou fausses (ce n’est pas le sujet, on parle de comportement et respect des autres) ? Les réseaux sociaux viennent nous aider pour cela, les commentaires étant très révélateurs du comportement des personnes. Relayent-elles en permanence les dernières rumeurs du moment, les théories du complot,… ? Est-ce que l’équipe vous semble être un bon panel équilibré de la population, afin que toutes les idées soient représentées ? Est-ce que les personnes de la liste vous semblent avoir des propos raisonnables, modérés et respectueux sur leurs pages publiques de réseaux sociaux ou est-ce qu’elles sont toujours sur la polémique, à réagir à la moindre actualité pour donner leur avis “comme au café du commerce” ?

Les professionnels du renseignement utilisent ces techniques, depuis bien avant l’arrivée du web, que l’on rassemble sous le nom de “social engineering“. J’en parle ici non pas, bien sûr, pour utiliser les connaissances du profil psychologique de la personne pour la manipuler mais uniquement pour observer les propos et les goûts d’une personne afin d’anticiper son comportement. On a de nombreux exemples avec les manifestations des gilets jaunes et les propos tenus par les uns et les autres sur les réseaux sociaux qui dans certains cas sont vraiment dans des positions extrêmes (j’ai des amis qui ont quitté facebook à ce moment là, dégoûtés de découvrir la manière de penser de certaines de leurs relations).

Dans un autre registre, est-ce qu’il y a quelqu’un dans cette équipe avec qui vous auriez eu un problème personnel et qui vous inciterait donc à ne pas voter pour l’ensemble ? Il faut dans ce contexte arriver à faire la part des choses, prendre de la hauteur et reconnaître si la personne en question a de réelles compétences pour faire ce pour quoi elle va être élue ou non. On ne vote pas pour des gens qu’on aime bien, ou contre des gens qu’on n’aime pas, mais pour des personnes compétentes, attachées à leur territoire, qui iront au bout de ce qu’elles proposent !

2. Et le programme électoral alors ?!

Le programme et ses axes méritent aussi, bien évidemment, toute votre attention (même si pour les “outsiders” il est plus difficile de faire croire qu’on fera ce qu’on dit car on ne se base là que sur des promesses) : est-ce que ce qui est proposé par le candidat est réaliste ? Promettre aux gens plein de nouvelles choses : plus d’agents en Mairie, des postes pour gagner des voix, des promotions à ceux qui sont déjà en place, de licencier des personnes que certains n’aimeraient pas (pourtant en CDI, ce qui doit être sacrément justifié), plus d’heures d’ouverture notamment le week-end, des récompenses monétaires auprès de citoyens (ce qui n’est pas forcément légal d’ailleurs mais je l’ai déjà vu dans des programmes), plus de plus de plus de plus… au final c’est surtout plus d’impôts (quand les propositions ne sont tout simplement pas légales) ! Mais pourquoi pas, si les gens sont prêts à payer et qu’on les a bien informé (et que c’est légal) !

Tous les candidats vont forcément proposer des nouveautés ou la consolidation de choses existantes, c’est normal c’est le principe d’un programme. L’être humain croit toujours que le changement est la solution à tout (quand la droite est au pouvoir on vote à gauche… quand c’est la gauche on vote à droite…) alors que notre société a surtout besoin de stabilité !

Demandez un chiffrage de ce qui est proposé et faites le valider par des personnes qui ont la compétence. Cela évitera les mauvaises surprises par la suite. Certes c’est plus difficile pour les équipes qui se présentent et n’ont pas encore pu faire leur preuve mais il y a des choses qui, on le sait, ne sont pas réalistes financièrement parlant, surtout vu les baisses d’aides de l’état (dotation générale de fonctionnement, taxe d’habitation qui est certes compensée pour le moment mais est-ce durable ? Etc.).

Demandez-vous également si ce que proposent les candidats (j’en ai déjà parlé) est bien légal ou pas (donc réaliste et réalisable) : j’ai vu dans une ville il n’y a pas très longtemps quelqu’un proposer de privilégier les réponses aux appels d’offres aux entreprises de la commune (je l’ai ceci dit vu et entendu de nombreuses fois, démontrant le manque de connaissances de celles et ceux qui en parlent) ! Ceci est totalement illégal et sévèrement puni. C’est d’ailleurs à cause de ce type de comportement clientéliste de la part de certains que les appels d’offre ont vu le jour ! De même, encore plus récemment, la proposition de mettre des caméras cachées pour piéger les personnes et les verbaliser alors que loi interdit de ne pas en informer le public (la demande ne pourrait alors pas aboutir mais c’est “bien” de faire croire aux gens le contraire). Cela contrevient au code pénal et à divers règlements y compris le RGPD. Plus inquiétant, après quelques recherches j’ai constaté que cette idée venait d’un candidat dont c’est le métier depuis un bon moment ! Donc soit la personne est vraiment incompétente, ce qui n’est pas bon signe pour occuper le poste de Maire, soit elle ment et prend les gens pour des imbéciles, ce qui est encore une fois, à mes yeux, plus grave.

Il y a d’autres moyens d’aider les entreprises locales pour obtenir des marchés publics, notamment les former et informer sur comment bien réaliser les démarches administratives. En effet, les petites entreprises ne font pas toujours le poids quand on lit leurs dossiers face aux “géants” du domaine qui rémunèrent des personnes à temps plein pour remplir ce type d’offres (et le font tous les jours) ! Et c’est vraiment dommage car beaucoup d’entreprises locales n’ont pas à rougir en termes de compétences par rapport à ces géants, au contraire, et pourraient obtenir ces marchés pour peu que les dossiers permettent de valider sans ambiguïté leurs propositions. Ou encore en faisant preuve d’Intellligence Economique, en se rassemblant entre “concurrents” locaux pour répondre à des appels d’offres groupés (coopétition).

Des candidats vont utiliser d’autres techniques bien connues et rodées par les Partis politiques depuis quelques années : le faux programme collaboratif. En résumé, vous organisez des réunions en faisant croire que le programme proposé sera construit par l’équipe et les administrés mais vous orientez les débats en fonction du programme qui est déjà écrit à l’avance. Si les propositions coïncident, on fait croire aux personnes que ce sont elles qui ont eu les idées, ce qui les met en position d’engagement (on parle en psychologie “d’ancrage“), un des piliers de la manipulation (voir bibliographie en bas de page). Certains prennent tellement les gens pour des abrutis qu’ils annoncent que des propositions seront reprises et d’autres non (en gros, ce qui était prévu depuis le début, mais entre temps on “ancre” les personnes).

Le même principe est utilisé via l’organisation de primaires : le fait de faire pré-voter les personnes va renforcer leur engagement et fidélité, quoi que le candidat puisse faire par la suite (respect de sa parole, poursuites judiciaires, etc.) ou que les autres candidats proposent. La technique est courante dans les entreprises par les grandes marques via les réseaux sociaux, en constituant des “fans clubs”, dont l’engagement est entretenu par des “community managers“, avec des membres qui deviennent prêts à tout pour soutenir l’entreprise pour laquelle ils s’engagent. Même si on apprend que celle-ci fait travailler des personnes dans des conditions épouvantables dans des pays en voie de développement ou encore que le produit proposé est bourré de défauts. Par exemple le fameux iphone 4 dont l’antenne ne fonctionnait plus quand on touchait les 2 bords du téléphone (ce qu’on fait quand on tient l’appareil…) N’importe quelle entreprise aurait fait faillite mais la puissance du fan club d’Apple et de l’image de marque, malgré les mensonges de la firme, ont permis à l’entreprise de n’être que faiblement impactée, certains fans allant même jusqu’à expliquer qu’il suffisait de tenir le téléphone autrement (note : avec les pieds peut-être ?) !

Heureusement, en politique et à un niveau communal, tout le monde ne peut se targuer d’un tel fan club à la Apple et donc les mensonges ne tiennent pas la route très longtemps 😉

3. Exemple de technique de base de manipulation utilisée par les (mauvais) candidats (faute de pouvoir mettre en avant leurs compétences).

Pour finir ce billet, je voulais vous parler d’un autre exemple de technique de manipulation, tellement rodée qu’on ne devrait plus tomber dans la panneau… mais pourtant…

La campagne 2020 commence à peine que j’ai déjà vu des personnes se donnant à cœur joie pour manipuler l’information par la propagation de choses totalement fausses ou déformées : photos & vidéos truquées ou tronquées car sorties du contexte pour faire dire à quelqu’un le contraire de ce qu’il pense, annonce de changement de règles de fonctionnement laissant supposer que les équipes déjà en activité ne font pas les choses correctement (j’ai vu dans une ville un candidat critiquer les modes d’attribution des logements sociaux par l’équipe en place, en faisant croire qu’il y avait eu du clientélisme alors que tout est strictement encadré par la loi et que les élus sont très surveillés sur ce sujet), etc.

Il est malheureusement facile pour les beaux parleurs de manipuler les gens et d’insulter leur intelligence en ne les considérant pas et exploitant leur manque d’information. “Étrangement” (ironie), ces derniers utilisent souvent l’effet de halo et ont tendance à porter un “uniforme” (costume…) pour se donner de l’importance.

Voici ci-dessous un exemple pour illustrer comment on peut changer le sens d’une information lorsqu’on la tronque (les adeptes de l’émission “arrêt sur image” apprécieront). Ici il s’agit d’une image mais c’est évidemment la même chose pour le montage avec les vidéos ou les citations de texte sorties du contexte.
Copyright image : AP/Itsuo Inouye et source penser-critique.be

Sur la gauche, un militaire américain menace un soldat irakien d’une arme sur la tempe. Sur la droite, une autre partie de la même image sur laquelle on voit un soldat américain portant secours à l’irakien en lui donnant à boire. L’image d’origine, qui est au centre, montre l’image dans son contexte réel…

Sans aller jusque là, un collègue m’a montré pas plus tard que la semaine dernière le cas d’un candidat sur sa commune qui a utilisé les photos du buffet d’une réunion, organisée par quelqu’un d’autre, pour faire croire que les personnes étaient bien accueillies aux siennes. Le même, quelques jours après, a copié (disons volé car c’est le cas) sur facebook la photo d’un évènement sans en demander l’autorisation à son auteur (oups) ni le citer (re-oups) pour (encore plus gênant) la tronquer, en retirant le Maire de la commune en train de faire un discours (re-re-oups), afin d’en changer la signification. Tout cela donc en totale méconnaissance des droits d’auteurs, sans même parler de l’intention de manipulation. Cela doit vous paraitre incroyable de la part de quelqu’un qui souhaite diriger une commune et représenter la loi (car le reflet de valeurs et d’intentions que plus personne ne veut voir en politique) mais je vous garantis que c’est vrai.

Ce genre d’attaque informationnelle peut arriver à n’importe quel candidat ou équipe. Mais il est vrai qu’elles sont souvent utilisées contre les listes sortantes qui se représentent : il est plus facile de critiquer ou manipuler quelque chose qui a été fait, que quelqu’un qui n’a jamais rien réalisé de concret. Sur la base également que les personnes sont plus motivées pour donner leur avis lorsque ce dernier est négatif que lorsqu’il est positif. Cela se voit très souvent pour les restaurants, les hôtels, etc. La sagesse voudrait de ne pas considérer ces critiques d’un point de vue quantitatif (genre “il y a beaucoup de personnes qui se plaignent en commentaire de cette news…“) mais pour ce qu’elles sont, des avis isolés de personnes mécontentes pour des raisons qui leur appartiennent.

En effet, si vous observez, suite à une information publiée, 80 à 90% de critiques négatives représentant quantitativement une dizaine de personnes, combien de centaines d’autres personnes qui sont contentes ne s’expriment pas ? Les pourcentages ne sont valables que dans les sondages, quand le panel choisi est représentatif, que l’échantillon est de grande taille et qu’il est demandé à tout le monde de répondre.

Attention donc à la réutilisation par certains de quelques commentaires négatifs visibles, afin d’en faire de fausses généralités. D’autant plus lorsque la publication avait vocation à signaler un problème et que entre temps celui-ci a été résolu… mais que personne n’est venue l’indiquer, laissant véhiculer sur le web des informations erronnées.

Notons, pour rebondir sur le titre de ce chapitre, que plus un candidat est adepte de ce type de manipulation (qui peut aller dans un autre genre jusqu’à contacter les membres d’une autre liste pour critiquer les compétences de leurs colisiters), plus il y a de chances qu’il soit totalement incompétent. Quand on sait faire les choses et qu’on a eu l’occasion de le montrer, on se base sur ça et on mène sa route en plaçant le débat sur le fond. Quand un candidat est systématiquement dans l’attaque, cela donne une idée du personnage…

En conclusion

Ne soyons pas naïf, ne nous renseignons pas par confort uniquement dans notre entourage proche et varions les sources d’information, ne prenons pas pour argent comptant tout ce qui pourrait être proposé, prenons de la hauteur : demandons-nous si les choses proposées sont raisonnablement possibles vu le contexte économique ou si les personnes sont en capacité ou pas de faire ce qu’elles promettent par exemple. Et acceptons aussi de nous être trompés par manque d’information !

Voilà donc “rapidement” une grille de lecture qui vous permettra de prendre du recul sur ce que pourront vous proposer les candidats à une élection (municipale ou pas -> pour information, dans le cas des entreprises, on appelle ça de la “due diligence“) dans la lignée de ce que propose l’Intelligence Personnelle, c’est à dire faire de meilleurs choix par la maîtrise de l’information. Ce type de posture est valable pour tout ce qu’on fait dans la vie, je n’ai fait que donner ici des exemples d’applications dans le cadre des élections, les municipales mais aussi les autres. Je pourrai aller bien plus loin mais vous avez là les bases pour vous assurer de faire un choix conscient, de réduire la probabilité de le regretter et d’être ainsi un “meilleur” citoyen, pour vous et pour les autres.

Si vous souhaitez en savoir plus, je ne peux que vous recommander de consulter les ouvrages suivant :

  • “Influence et manipulation” par Robert Cialdini. Connaitre les techniques de manipulation pour ne plus les subir.
  • “Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens” par Robert-Vincent Joule et Jean-Léon Beauvois. Un livre que tous les citoyens devraient avoir lu et que je conseille à tous mes étudiants, quel que soit l’objet de mon cours.
  • “Petit cours d’autodéfense intellectuelle” par Normand Baillargeon. “Biais cognitifs”, langage, logique, erreurs statistiques, fausses croyances,… le couteau Suisse pour éviter de se faire manipuler au quotidien, avec de nombreux exemples.
  • “Propaganda” de Edward Bernays. Vous pouvez aussi vous dépêcher avant que cela ne soit plus disponible, de visionner sur Arte replay le dossier et le documentaire sur Bernays, auteur du livre ci-dessus, qui a utilisé les enseignements de son oncle, Freud, pour jouer sur les émotions et l’affect afin de manipuler les foules (note : trop tard… documentaire plus disponible en replay mais je laisse la référence ici des fois que vous puissiez le trouver ailleurs).

Le sujet me passionne. Si c’est aussi votre cas et que vous souhaitez avoir plus de références, n’hésitez pas à me contacter.


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