La manipulation en période électorale expliquée aux enfants (volume 2) : les leçons du Schtroumpfissime !

Pour Noël, mes enfants ont eu l’intégrale des BD des Schtroumpfs de Peyo. En grandissant, on peut porter un regard critique sur les petits êtres bleus et douter de la pensée de leur créateur par les symboles utilisés (promotion du communisme jusqu’à l’omniprésence du marteau et de la faucille dans les outils utilisés, voire du fascisme avec le Schtroumpf noir forcément méchant et un Gargamel reprenant les traits des caricatures de juifs, une Schtroumpfette moche et détestable en brune mais belle et désirable en blonde, etc.)… Mais j’avoue avoir eu tout de même un plaisir nostalgique à relire certaines histoires et en particulier celle du Schtroumpfissime.

D’une part, car c’est une des histoires que j’ai le plus lu en étant gamin, d’autre part car elle aborde le thème des élections, sujet qui m’intéresse particulièrement, et que j’ai constaté que rien ou presque n’avait vraiment changé depuis les années 60.
La critique de Peyo est en effet malheureusement encore d’actualité.

Dans un précédent billet sur la manipulation en période électorale, j’expliquais que si la psychologie de l’homme n’avait pas beaucoup évolué à l’échelle d’une génération, il y a tout de même des choses que l’on ne veut plus voir, notamment en politique. Et ceci, largement grâce à l’accès facilité à l’information donc à la culture, même si tous ne l’utilisent pas comme il le faudrait (que ce soit dans le choix de ses livres, films ou tout simplement de ses lectures sur le web).

Dans ce qu’on ne veut plus voir, il y a le mensonge, la manipulation, les fausses promesses. Nous sommes tous d’accord. Et pourtant, nombreuses sont les personnes à encore se faire avoir. C’est humain, on voudrait tous avoir l’impossible… et ceux qui manipulent savent exploiter les failles pour arriver à le promettre. Mais je ne vais pas réécrire un billet sur ça…

Juste pour revenir sur l’histoire du Schtroumpfissime : un jour, le grand Schtroumpf, qui habituellement indique quoi faire aux autres, doit s’absenter. Les schtroumpfs livrés à eux-mêmes se retrouvent en incapacité de savoir quoi faire pour le bien de la collectivité et n’arrivent pas à se décider sur les activités à réaliser. Est alors décidé de procéder à une élection. Mais chaque schtroumpf veut égoïstement voter pour soi-même, afin d’imposer aux autres ce qui est bien pour lui, sans se demander si ce sera au détriment des autres ou pas. Un schtroumpf trouve alors, un peu par hasard, une technique imparable : en discutant avec un autre qui venait d’être agacé par le schtroumpf à lunettes, il indique à ce premier que s’il était élu, il ferait “une loi contre les raseurs“. De là, le schtroumpf (vous suivez ?) lui indique que c’est une bonne idée et donc qu’il votera pour lui. Le futur Schtroumpfissime conclut par un “Et voilà, il suffit de leur faire des promesses“.
Vient alors le tour du schtroumpf gourmand “je trouve qu’on ne fait pas assez de gâteaux ! Si j’étais élu, moi, je ferais faire du gâteau tous les jours“, … qui lui donne donc sa voix. Le schtroumpf farceur se voit proposer le poste de ministre des farces et attrapes, le schtroumpf musicien (qui joue comme un pied mais accepte volontiers la flatterie), chef de la fanfare… Et ainsi de suite, sans se poser la question de la compatibilité des promesses ni même de leur faisabilité.

Le Schtroumpfissime, une fois élu, se rend bien compte que diriger est plus compliqué que faire des promesses et engage rapidement une milice, à force de promotion (en l’occurrence, le schtroumpf costaud, qui se retrouve “chef des services de protection”) pour forcer les Schtroumpfs à travailler et faire selon ses volontés. Bien évidemment, attiré initialement par la fonction de dirigeant uniquement par égo et non pas pour l’intérêt général, le Schtroumpfissime exige la construction d’un palais à l’effigie de sa grandeur. Mais les schtroumpfs commencent, certes un peu tard, à cerner le personnage et organisent la résistance, jusqu’à la bataille finale. Le pire est évité alors que revient le Grand Schtroumpf, symbole d’expérience et de sagesse qui conclut par un “vous n’êtes pas honteux ? Vous vous êtes conduits comme des humains !

Peyo va même jusqu’à prévoir via le Schtroumpf à lunettes les retournements de veste puisque ce dernier alors candidat opposant au Schtroumpfissime se retrouve être son plus grand fan (par fayotage, certes)… jusqu’à ce qu’il finisse en prison. On a ici une parodie des fusions de listes qui voient l’association de personnes qui font campagne l’une contre l’autre avant de faire équipe commune au 2e tour… pour au final ne pas arriver à travailler ensemble une fois élues, comme c’est toujours le cas lors de fusion. Car l’égo poussant à renier ses convictions et pilotant ces personnes, il ne peut rester neutre et permettre le travail collectif par la suite.

En bref, sachez reconnaître le Schtroumpfissime en puissance dans votre commune, il est même possible qu’il y en ait plusieurs dans les grandes villes. Il est petit, sournois et pas forcément bleu… mais pourtant on peut facilement l’identifier car il papillonne, on le voit d’un coup de partout comme les insectes à l’arrivée du printemps, est ami avec tout le monde et a des solutions faciles à tout (forcément non coûteuses), mais surtout à des problèmes très particuliers qui ne vous concernent que vous (ça tombe bien !).

Eh oui, ceux qui pensaient que la politique des années 60 (voire 80 ou 90) était finie seront surpris d’apprendre, en observant les promesses et comportements de certains, qu’elle est parfois toujours d’actualité.
Rappelons que la sagesse en politique implique de ne pas pouvoir dire oui à tout ! Savoir dire non quand c’est nécessaire, c’est être honnête et réaliste… c’est être responsable.
Tout comme les gens seront responsables de la personne qui sera mise au pouvoir et ne pourront pas dire qu’ils n’ont pas été… schtroumpfés à l’avance.


Source image et droits d’auteur : photo personnelle / couverture : intégrale Les Schtroumpfs par Peyo Volume 1 / Editions Dupuis